Enregistré pendant une période trouble, durant laquelle Dave Gahan a faillit perdre la vie, Ultra est l'album le plus sombre de Depeche Mode, l'un des plus denses également. Le premier titre et premier single, paru deux mois avant l'album, Barrel of a Gun, est symbolique de ces nouvelles préoccupations. Sur une rythmique très fouillée, des guitares saturées couvrent la voix trafiquée de Dave Gahan, avec une violence inhabituelle dans un disque de Depeche Mode. Le texte torturé, à l'ironie un peu désespérée, sonne d'ailleurs comme un commentaire désabusé des temps difficiles que le groupe est en train de vivre. The Love Thieves poursuit cette descente aux enfers, sur un tempo plus lent, mais avec la même densité musicale, qui évoque par moments The Cure, surtout dans l'émouvant solo de guitare final, doublé par les choeurs haletants de Martin Gore. Ce dernier - qui, comme à l'habitude, signe tous les morceaux de l'album -, chante la ballade suivante, le grandiose Home, à la mélodie à tiroir typique de son écriture. Un somptueux arrangement de cordes l'accompagne. Contraste avec le prochain titre, une pop song dynamique dans la lignée des grands tubes du groupe, It's no Good, où Martin Gore et Dave Gahan semblent se moquer d'eux mêmes (comme dans le clip désopilant, voir ci-dessous), avec une efficacité redoutable : un archétype de Depeche Mode. Après un morceaux " de liaison " (Uselink), voici Useless, autre single particulièrement puissant. Traité comme un morceau de rock, avec une vraie section rythmique et un riff de guitare électrique comme principal moteur, c'est un classique immédiat, qui réussit cette fusion organique des genres que Songs of Faith and Devotion cherchait en un peu vain.
Autre classique, le mélancolique Sister of Night joue sur les contrastes musicaux et l'opposition d'atmosphère entre le couplet et le refrain, comme au temps d'A Broken Frame, avec un résultat bien plus réussit cependant. En outre, la fusion des voix de Dave Gahan et Martin Gore y est parfaite ; et susceptible, une fois de plus, de faire naître l'émotion. Après de tels sommets et un étrange instrumental, l'oppressant Jazz Thieves, digne de David Lynch ou de Coil, l'album ne pouvait que retomber quelque peu, avec les plus quelconques Freestate et The Bottom Line, qui annoncent cependant les demi-teintes d'Exciter, l'album suivant. Selon une tradition bien établie, un titre quasi symphonique, Insight, vient refermer cet album noir, à la cohérence et à la densité rappelant celle du plus lumineux Violator.
Singles extraits :Barrel of a Gun / It's No Good / Home / Useless
Ultra doit une partie de sa réussite au producteur Tim Simenon, avec qui Dave Gahan, Andy Fletcher et Martin Gore ont trouvé un partenaire de taille. Contrairement aux précédents producteurs de Depeche Mode qui étaient la plupart des ingénieurs du son, Tim Simenon est avant tout musicien (leader du groupe Bomb The Bass). Il a su former avec Martin Gore un nouveau tandem de production qui s'installe à la place laissée vacante par Alan Wilder après Songs of Faith and Devotion. De nombreux invités viennent compléter le travail du groupe, notamment le mythique batteur du groupe allemand Can, Jaki Liebezeit, Keith le Blanc de Tackhead ou encore le guitariste BJ Cole. L'électronique et les samples sont particulièrement mis en avant, de même que les guitares, qui fusionnent avec une diversité et une créativité qui prouvent que le groupe, près de vingt ans après ses débuts, a décidément beaucoup de ressources.
Depeche Mode et Tim Simenon collaboreront à nouveau en enregistrant les trois titres du single Only When I Loose Myself, paru un an après Ultra, en 1998.
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